De l’importance de l’éthique pour les acteurs du web
- décembre 06, 2017
- A la Une, Société
- Par Morano de Bergerac
En novembre dernier Facebook a fait le ménage sur son réseau social. Plusieurs pages à forte notoriété ont été supprimées. Leurs dirigeants ont feint la surprise, ont pleuré un peu mais n’ont pas crié trop fort non plus. Et pour cause, leur éthique professionnelle fait gravement défaut. Une leçon à retenir…
Le verdict est sans appel. En un clic l’équipe de Zuckerberg a fermé plusieurs pages Facebook à forte notoriété : Firerank, LePetitBuzz, 6Fun ou encore LaVilla. La raison invoquée : contrevenir à ses Conditions Générales d’Utilisation (CGU).
Des techniques d’augmentation artificielle du nombre d’abonnés
Le fondateur de Firerank a reconnu dans un communiqué posté sur Linkedin utiliser des stratégies Black Hat comme le Like Jacking pour obtenir plus de Fans. Des pratiques au-delà de toute éthique, comme le prouvent les trois aveux ci-dessous.
- Le renommage-fusion de page. Consiste à créer des pages à fort potentiel de like. Généralement des pages d’hommage comme Soutien au bijoutier de Nice ou marrantes comme Il vaut mieux être saoul que con, ça dure moins longtemps. Les pages sont ensuite fusionner avec la page-cible et déversent leurs Fans dans la page souhaitée. Les personnes qui ont aimé la première page se retrouvent à aimer la deuxième sans consentement.
- Le rachat de page. Pourquoi s’embêter à créer et faire grossir les pages soi-même ? Il est possible de les acheter à des spécialistes et de les fusionner de la même manière !
- Le click-jacking. Cette fourberie consiste à cacher des boutons « Aimer la page Facebook » sur son site : sous des boutons de lecture de vidéos, des croix rouges pour fermer les fenêtres… L’internaute clique et s’abonne à la page sans s’en rendre compte. C’est cette technique que Facebook a aujourd’hui dans le viseur.
Nous avons récemment désactivé un nombre de pages Facebook car elles utilisaient de manière répétée une technique pour tromper les gens et les forcer à liker des pages involontairement. Ce comportement n’est pas conforme à nos règles, et nous avons donc pris des actions pour protéger l’intégrité de la plateforme.
Communiqué Facebook
La censure des géants de l’internet
Bien que Firerank tente d’apitoyer sur le sort de ses 30 salariés, la sentence est irrévocable. L’acceptation et le respect des CGU est une condition sine qua non à l’utilisation de Facebook. Si le réseau social est tolérant envers les particuliers, il l’est moins à l’égard des professionnels qui franchissent la ligne rouge pour générer du profit.
Facebook a déclaré la guerre aux articles pièges à clics en août 2014. Il n’a cessé depuis d’améliorer son algorithme pour traquer et punir ces pratiques. Une mise à jour récente vise encore à réduire l’impact des publications contenant des demandes d’interaction jugées artificielles. Les pages qui utilisent ces tactiques se verront « rétrograder ».

Trois exemples d’engagement générés de manière artificiel et désormais punis par Facebook.
En 2013 déjà AppGratis avait subi le courroux d’un géant du net. La start-up prometteuse venait de célébrer une levée de fonds de 10 millions avant d’être supprimée de l’AppStore sans sommation par Apple.
Ne pas avoir peur mais rester vigilant
Gardons à l’esprit une chose. Facebook, Google et consorts édictent et imposent des règles propres à leur service. Via des conditions d’utilisation et des guides de bonnes conduites. Cela n’en fait cependant pas des lois. Transgresser ces règles ne vous mènera pas en prison. Au pire, vous risquer l’exclusion du service en question.
Regarder avec vigilance les règles des géants de l’internet est essentiel quand on veut tirer parti du numérique. Mais il faut trouver le bon compromis entre respect des règles du jeu et efficacité. Faire plaisir à Facebook pour n’être jamais affiché sur les fils d’actualité ou faire plaisir à Google pour être relayé en dixième page des résultats de recherche n’est pas une stratégie.
Le non-respect des conditions d’utilisation de Facebook ou Google, s’il est bien préparé, est un choix qui peut s’avérer gagnant. Contrairement au non-respect de la loi qui cause des ennuis d’une autre mesure.
A noter que les pratiques sus-citées pourraient s’apparenter à des pratiques commerciales trompeuses et être punis pénalement.
De l’importance de son indépendance (digitale)
Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Voici un vieux dicton que les acteurs de l’internet semblent oublier…
Firerank a bâti un modèle économique dont 100% de son CA (de 1,1 million d’euros en 2016) dépend de Facebook. Laissant son avenir entre les mains d’un géant incontrôlable. Un risque qui rappelle que toute forme de dépendance est dangereuse que ce soit envers un client, un fournisseur ou une plateforme de diffusion.
S’appuyer sur des plateformes qui ont le vent en poupe est une chose. Y lier son destin en est une autre. Les professionnels de Viadeo, Myspace ou Skyblog témoigneront de la vitesse à laquelle une plateforme peut sombrer.
Les agriculteurs sont morts après avoir délégué la distribution de leurs produits aux grandes surfaces. Les hôtels sont morts après avoir délégué la vente de leur nuitée aux OTA (Booking, Expedia…). Les médias l’ont compris et résistent tant bien que mal aux plateformes qui veulent distribuer leur contenu à leur place.
Cette dépendance peut déséquilibrer les forces en puissance, au risque de dégrader la relation entre l’entreprise et ses consommateurs. Les efforts sont fournis à la fois pour satisfaire la plateforme d’intermédiation et le client final. La focalisation nécessaire à la satisfaction d’un besoin et à ses évolutions tend à se dissiper.
L’éthique au-delà de la peur
Les sites de contenus viraux sont d’actualité mais l’éthique du net est bien plus large. Que l’on soit e-commerçant, journaliste, blogueur, agence de communication ou startupeur on a tous eu à l’esprit au moins une fois ce terme : Growth Hacking. Passer dans la zone grise, franchir les lignes de conduite préconisées pour accélérer sa croissance.
L’éthique devient alors le cap à ne pas franchir. Elle permet de mettre du poids dans la cale pour que le navire ne chavire pas durant les fortes mers. Et les fortes mers arrivent souvent dans le monde du numérique, si propices aux vents du changement.
Les règles changent sur les plateformes comme Facebook ou Google. Il ne faut pas s’y plier mais en tirer profit. Il faut adapter ses contenus pour améliorer son reach. Il faut tester différents formats publicitaires pour baisser ses coûts d’acquisition. Il ne faut cependant pas enfreindre son éthique personnelle et professionnelle. Il ne faut pas accepter de mentir ou de tromper le consommateur.
Internet garde la trace de tout et les mauvaises pratiques finissent par remonter à la surface. Être sanctionné par une plateforme est douloureux mais on s’en relève. En revanche trahir ceux qui vous ont fait confiance peut vous être fatale.
Question de karma.