Justin Trudeau : Com’ politique, politique de la com’
- février 29, 2016
- Politique
- Par Morel Le Rogue
- Le nouvel homme fort du Canada
Justin Trudeau a formé le gouvernement le plus diversifié et le plus « cool » de la planète. Justin Trudeau prend des selfies. Justin Trudeau plonge dans la réalité virtuelle chez Ubisoft. Justin Trudeau se bat en vidéo et en « chandail rose » contre le harcèlement à l’école. Justin Trudeau tombe la chemise pour un match de boxe. Justin Trudeau c’est comme la guimauve: mou, sucré et très vite écœurant.
1er ministre et fils de
Pour ceux qui n’auraient pas déjà l’insigne honneur de le connaître, Justin Trudeau est le nouveau premier ministre du Canada. Après avoir remporté l’élection pour la chefferie (j’adore ce pays) du parti libéral canadien en avril 2013, il est devenu en novembre 2015 le 23e premier ministre du pays à la feuille d’érable, après une ascension éclaire débutée en 2000. Il fait effectivement son entrée sur la scène politique et médiatique après l’éloge funèbre prononcé lors des funérailles de son père.
Son père justement, n’est pas un illustre inconnu puisqu’il s’agit de Pierre Elliott Trudeau, 15e premier ministre du Canada. On a connu pire comme pied à l’étrier. De là à parler de népotisme ou de dynastie politique à l’américaine, il n’y a qu’un pas que je franchirai allègrement.

Justin Trudeau juste avant d’accueillir les réfugiés syriens
« La propagande est le contraire de l’artillerie : plus elle est lourde, moins elle porte. » – Jean Giraudoux
Justin Trudeau, un animal politique 2.0
Le nouvel homme fort du pays est un politicien d’une nouvelle espèce, parfaitement dans l’air du temps. Un héros du camp du bien. Un animal politique 2.0, jeune, beau et surtout docteur ès communication.
Il commence fort son mandat, en formant un gouvernement hétéroclite, à l’image de ses idées et bien sûr entièrement paritaire. Depuis, il navigue entre effets d’annonce et communication soignée. Il s’attache à se montrer proche de ses électeurs multipliant les selfies (avec ses concitoyens ou lors de réunions internationales) et autres rencontres informelles, au cours d’entretiens individuels (télévisés bien sûr) de 10 minutes, dans le métro. Et plus récemment, pour montrer qu’il avait un grand cœur et le cœur sur la main (comme tous les canadiens on le sait bien) il est allé accueillir en personne le premier arrivage de réfugiés syriens reçus au Canada. Il avait déjà fait parler de lui (au-delà des limites du Canada dont la majorité d’entre nous se contrefout légitimement) en laissant de coté le costume pour le short et les gants pour un combat de boxe face au sénateur conservateur Patrick Brazeau en 2012. Un combat qui donnera, évidemment, naissance à un reportage.
Symbole du mal du siècle : l’omnipotence de la communication en politique
Si globalement, la presse canadienne et internationale ainsi que l’opinion public semblent conquises par ce matamore, jeune et libéral, on a pu entendre, à raison, quelques critiques sur son discours creux, le flou artistique de son programme ou encore son inexpérience. Mais il a su les balayer par sa bonhomie, son optimisme à tous crins et son talent de communicant.
Justin Trudeau est le symbole d’une époque et de la politique actuelle : peu d’idées, beaucoup de com’ et de grandes déclarations. Il cristallise à mes yeux les pires aspects de la politique spectacle d’aujourd’hui.
Pour le mot de la fin, je laisserai la parole au sociologue canadien Joseph Yvon Thériault, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie de l’UQAM.
« Le registre de la représentation politique a changé. Dans les démocraties occidentales, les partis politiques ne trouvent plus désormais de racines profondes dans un bassin solide d’adhérents. Ils sont devenus des boîtes dans lesquelles on construit des programmes politiques en fonction de thèmes rassembleurs du moment. Ils se cherchent ensuite un porte-parole, un véhicule pour vendre une programmation de pouvoir. Ce doit être un leader connu et médiatiquement reconnu. Et, en ce sens, ce qui a fait de Justin Trudeau le bon candidat n’est pas tant lié à sa famille, mais plus au fait qu’il avait déjà une place dans l’espace médiatique. »