Turner, histoire d’un génie reconnu tardivement
- juillet 15, 2016
- A la Une, Culture, On respecte
- Par Rose
Joseph Mallord William Turner reste l’artiste inclassable du 19ème siècle. Peintre émérite qui consacre la lumière en pierre angulaire de ses toiles, il est aujourd’hui volontiers auréolé de clarté. Ce ne fut pourtant pas toujours le cas. Auparavant décrié, Turner prend désormais sa revanche. Et pourtant.
Entre voyages et éclairages – les uns n’allant pas sans les autres, les toiles de Turner reflètent paysages et natures, avec ce qu’il y a d’étincelant dans chaque ruisseau, chaque cascade, chaque raie de soleil qui abonde sur les verts des collines. Le style, proche de celui des peintres des 17ème et 18ème siècles, détonne toutefois quant aux couleurs utilisées. La représentation, peu réaliste, écrase l’œil du voyeur par le spectaculaire d’une luminosité souvent hors normes, parfois monstrueuse. Les œuvres, «littéraires», ont cela d’unique qu’elles montrent avec exactitude l’évocation ressentie lors d’une lecture descriptive. Bref, Turner détone autant qu’il fascine.

L’incendie du Parlement, 16 oct. 1834 (1835) – Philadelphia Museum of Art
Son premier voyage à Venise le marque au fer rouge
La ville , comme un alter ego, est hors du temps, telle une parenthèse enchantée au milieu d’un monde morne aux couleurs affadies. Ici tient Turner tout entier ; dans l’ailleurs marginal qui surplombe le monde sans pourtant s’en affranchir.

Le château de Dolbarden, Crayon et aquarelle (1799) – Tate Gallery, Londres
Les critiques sont nombreuses et tombent comme autant de cascades peintes par l’artiste. Sommé d’être brouillon, excentrique ou complètement bête, il réplique par toujours plus de clarté, des avalanches de couleurs et une impertinence illustrée. « Des paillettes de savon et du lait de chaux », voilà à quoi ressemblent ses représentations selon l’un de ses détracteurs. Turner ne donne pour réponse qu’une réplique cinglante « à quoi croit-il que la mer ressemble ? Si encore il s’y était risqué » et riposte par toujours plus d’œuvres produites. Et si le jaune domine dans ses toiles, c’est qu’il donne à ses dessins une profondeur et un éclat tels qu’ils accrochent irrémédiablement l’œil du visiteur, amateur d’art ou non.
Turner, secret, ne peut qu’être le révélateur du mystère de la nature.
En 1840, il rencontre John Ruskin, critique d’art, admirateur de ses productions. Ce dernier l’accompagne vers une gloire effleurée de son vivant. Mais c’est après sa mort que Turner voit son génie éclater au grand jour. Il devient un inspirateur de renom et fait partie des cours d’art des plus grands. C’est finalement son extravagance et son usage tout particulier des couleurs qui le consacre en inimitable prodige.

Didon construisant Carthage (la naissance de l’Empire Carthaginois) 1815 – National Gallery, Londres
Âme damnée, Joseph Mallord William Turner n’a de cesse de rappeler que l’indélicatesse, l’audace et l’indécence présumées ne sont que les prémices d’une supériorité visionnaire immuable.